Petite histoire du thé
Rédigé le 25-06-2021
Le mot thé, d'abord tay (1652), puis thé (1657), vient du malais teh ou de t’e en dialectes chinois méridionaux (Taïwan) par le néerlandais (vers 1610).
On appelle thé les feuilles séchées du théier (arbuste de la famille des théacées), consommées en infusion.
Le thé est un stimulant aromatique, contenant des huiles essentielles et de la théine, qui est en réalité le même produit que la caféine. La concentration du thé en caféine est comprise entre 2,5 et 4,5 %, alors que le café n’en contient, en moyenne, que 1,5 %.
Après l'eau, le thé est la deuxième boisson la plus consommée.
Le théier
Le domaine naturel du théier se situe aux confins de la Chine méridionale, du Vietnam et de la Birmanie septentrionaux, et de l'Inde orientale.
Le théier est originaire de l'Assam supérieur (Inde) et du Yunnan (sud-ouest de la Chine).
Il existe 2 variétés principales de théier (camellia sinensis) :
- le théier de Chine (camellia sinensis sinensis)
- et le théier d'Assam (camellia sinensis assamica).
Cet arbuste à feuilles persistantes, qui peut atteindre 10 à 15 m à l'état sauvage, est maintenu à 1,20 m de haut en tables de cueillette.
Il est cultivé dans des régions au climat chaud et humide, avec des pluies régulières réparties de préférence au cours de l'année. Il croit entre 42° nord et 31° sud et peut être cultivé jusqu'à 2 500 m dans l'Himalaya (Darjeeling).
Une plantation commence à produire au bout de 3 à 4 ans. Des tailles successives permettent un bon rendement pendant 50 ans.
Généralement, le thé noir, le plus répandu, qui représente de 80 à 90 % de la production mondiale, vient du théier d'Assam. Le thé vert vient du théier de Chine.
Le thé Cueillette et séchage
Les feuilles du théier sont cueillies jeunes ou sous forme de bourgeons (l’âge de la feuille déterminant le goût et la variété du thé). Plus âgées, elles sont dures et coriaces.
Elles sont ensuite séchées, fermentées ou non, puis éventuellement torréfiées pour donner une infusion de thé, boisson mondialement appréciée.
Une bonne cueilleuse peut ramasser de 6 kg (théier de Chine) à 10 kg (théier d'Assam), soit de 20 à 30 kg de feuilles fraîches. II faut environ 5 kg de feuilles pour 1 kg de thé manufacturé sur place dans les 36 h qui suivent la cueillette.
Immédiatement et intégralement séchées après la cueillette, les feuilles fournissent du thé vert (young hysong, hysong, etc.) ; partiellement séchées, puis fermentées, elles donnent divers thés noirs [pekoe, orange pekoe, souchong, pekoe souchong, etc.]
Des extraits de diverses plantes (cannelle, cardamome, bergamote, écorce d’orange, pétales de jasmin, etc.) peuvent être mélangés aux feuilles pour aromatiser le thé.
D’autres ingrédients (lait, beurre, crème, jus de citron, miel, sucre, etc.) sont parfois ajoutés avant dégustation.
Thés noirs
Majoritairement utilisés en Europe.
Ils subissent le traitement suivant en partant des feuilles fraîches :
- flétrissage en chambres ou greniers de flétrissage (environ 20 h) ;
- roulage en plusieurs opérations avec criblage intermédiaire (environ 30 mn) ;
- fermentation de 1 h à 3 h suivant les régions ;
- dessiccation ou torréfaction : 15 à 20 mn pour arrêter la fermentation ;
- triage: suivant les grades, avant l'emballage. Variétés :
- Feuilles entières : flowery orange pekoe (FOP) : long, fin, bien enroulé, contenant les pointes fines des bourgeons appelées tips ou pointes dorées. Orange pekoe (OP) : long, morceaux minces de feuilles jeunes et souples avec quelques tips. Pekoe (P), plus court, moins fin, ne contenant pas de tips. Pekoe souchong (PS) : encore plus court et plus grossier, composé de feuilles plus âgées. Souchong (S): régulier, sans feuilles ouvertes; fait de petites boules représentant des feuilles plus âgées.
- Feuilles brisées (rendement supérieur, qualité similaire) : broken orange pekoe (BOP).- morceaux de jeunes feuilles brisées pendant le roulage (ou volontairement brisées après la torréfaction), devant aussi contenir des tips. Flowery broken orange pekoe : même définition. Broken pekoe (BP) : morceaux plats, venant de feuilles plus âgées, sans tips. Broken tea (BT) : morceaux plats des feuilles les plus âgées n'ayant pu s'enrouler lors du roulage. Fannings (F) ou pekoe fannings (PF) : morceaux plats, petits, parfois avec tips (PF) recherchés pour les sachets. Dust : poussière de thé formée par les brisures des feuilles, recherchée pour les sachets en papier filtre.
- Thés noirs de Chine (servis sans lait et parfois parfumés de fleurs odorantes) : Flowery pekoe ou pekoe à pointes blanches : préparé avec les feuilles terminales les plus jeunes et les plus tendres ne comprenant que les bourgeons terminaux des feuilles repliées sur elles-mêmes. Pekoe : feuilles les plus tendres. Souchong : grosses feuilles plus âgées, fermées à la préparation. Congou : variété de feuilles courtes (panyong, moning, keemun, etc.).
- Thés noirs semi-fermentés (intermédiaires entre thés noirs et verts), appelés aussi thés bleus (voir chapitre).
Qui aime les thés très corsés choisira les broken et les pekoe ; qui aime les thés délicats choisira les orange pekoe.
Thés rouges
Les Chinois nomment ainsi les thés noirs. La couleur rouge est celle de l'infusion, non celle des feuilles.
La plante, vendue en Europe sous le nom de thé rouge, n’est pas un thé : poussant en Afrique du Sud, le rooibos (aspalathus linearis), ne contient pas de théine et peu de tanin.
Thés mûrs
Les thés mûrs (comme les pu-erh) sont des thés noirs ayant subi un long processus de maturation.
Thé pu-erh ou pu'er
Le thé pu-erh (ou pu'er) est fabriqué à partir de feuilles du théier nommé Camellia sinensis assamica dit théier de l'Assam ou théier à grandes feuilles poussant dans la province chinoise du Yunnan. Ce thé post-fermenté doit son nom à la ville de Pu'er, dans le Yunnan.
Le thé pu'er se bonifie avec le temps et tout comme le vin, plus il est vieux plus il est cher.
Le pu'er est réputé pour ses propriétés médicinales. L'un des plus vendus en Europe, le pu'er en nid, est connu sous le nom de Tuo cha. 2
Thés bleus
Les thés bleus, thés semi-fermentés, d'origine chinoise ou taïwanaise (tel l’oriental beauty), sont couramment appelés qing chà (bleu-vert) ou oolong (dragon noir). L'oolong de Taïwan, le plus célèbre, est particulièrement recherché aux USA et en France (3e consommateur mondial).
Thés verts
Tous non fermentés, contrairement aux thés noirs [après humidification, les feuilles sont chauffées (torréfiées ou ébouillantées) puis séchées].
Les plus connus en Europe et dans les pays africains musulmans sont :
- Gunpowder : feuilles roulées ayant l'aspect de grains de 3 mm ;
- Chun-Mee : feuilles enroulées irrégulièrement, plus longues ;
- Sow-Mee : morceaux plus petits et brisés ;
- Young hyson et hyson : feuilles jeunes, du début du printemps, très rares et peu consommées en France. Le matcha ou maccha est une poudre très fine de thé vert broyé entre deux meules en pierre ; il est utilisé pour la cérémonie du thé japonaise et comme colorant ou arôme naturel avec des aliments tels que le mochi, les soba, la crème glacée au thé vert et une variété de wagashi (pâtisseries japonaises).
Thé jaune
La couleur du thé jaune, obtenu à partir du thé vert, est due à sa fermentation non enzymatique.
Thés blancs
Rares et chers. Les thés blancs, au goût inhabituel, légers, fleuris et frais, sont bus en Asie, souvent en été, afin de se rafraîchir. Le yin zhen et le pai mu tan sont des thés blancs produits en Chine, surtout au Fujian. Le thé blanc de la région d'Anji (province de Zhejiang en Chine), au goût très parfumé et délicat, n'est récolté que quelques semaines par an.
Thé fumé
A Fuzhou, capitale du Fujian (Chine). Ce thé, fumé aux racines d’épicéa (pin chinois) ou de cyprès, est destiné à l’exportation.
Maté ou chimarrao
La yerba mate, arbuste vert d’Amérique du Sud, est cultivé pour ses feuilles qui, après infusion, fournissent une boisson surnommée thé du Paraguay, thé du Brésil ou thé des jésuites mais qui n’a rien à voir avec le thé. Le maté ou chimarrão est une infusion traditionnelle issue de la culture des Amérindiens Guaranis consommée en Argentine, au Chili, au Paraguay, en Uruguay, au Brésil méridional et en Bolivie.
Mélanges
- thé à la bergamote, l'earl grey, recette chinoise popularisée par Edouard Grey, ministre des Affaires étrangères de G.-B. ;
- thé au jasmin, à partir de thé vert ou de wu long avec des fleurs de jasmin ;
- thés aromatisés.
Conseils de consommation
II faut ébouillanter la théière, mettre 1 cuiller à thé par personne (2,5 g), verser l'eau frémissante et non bouillie sur le thé, laisser infuser 3 à 6 minutes selon l'origine, enlever les feuilles de la théière, remuer et servir. En général les thés noirs peuvent être consommés avec du lait sauf les thés de Chine.
Les bienfaits du thé
Avec ou sans nuage de lait, les Anglais ne sont pas les seuls à tirer bénéfice de cette boisson. Le thé a fait l'objet de beaucoup d'attention lors du quatre-vingt-treizième congrès de l'American Association for Cancer Research, et pour cause : selon une vaste étude chinoise ayant porté sur plus de 18 200 hommes, en boire régulièrement protège contre les cancers de l'estomac et de l'œsophage.
Les composants à l'origine de cette protection ne sont autres que les polyphénols (puissants antioxydants) naturellement présents dans le breuvage. Des polyphénols que l'on sait par ailleurs cardioprotecteurs (selon l'American Society of Nutrition).
En revanche, contrairement à ce qu'on entend parfois, le thé ne fait pas maigrir (source: Centre de recherche et d'information nutritionnelles). Mais il n'apporte pas de calories s’il est pris sans sucre et trouve donc sa place dans toute cure d'amincissement où il est conseillé de boire beaucoup.
La théine stimule en douceur les systèmes nerveux et sanguin mais évitez d'en boire passé 16 heures si vous avez des troubles du sommeil. Idem si vous craignez de vous réveiller la nuit, car le thé a des vertus diurétiques. Tonique, le thé vert est cependant moins excitant que le café ou le thé noir.
Grâce aux flavonoïdes qu'il contient, le thé vert est bénéfique pour la santé. Ces composants, riches en vitamines, sont antioxydants et protègent des radicaux libres, susceptibles de provoquer des maladies cardio-vasculaires. Deux ou trois tasses de thé par jour suffiraient donc à diminuer ces risques de 40 %.
Les travaux du docteur Fujiki, de l'Institut de recherche contre le cancer de Saitama, au japon, ont démontré les bienfaits de la consommation de thé vert dans la prévention du cancer, à condition d'en boire six à sept tasses par jour, de préférence le matin et à midi.
Le thé vert est particulièrement riche en vitamine C (qui renforce les défenses immunitaires) ainsi qu'en vitamines A (excellente pour la vue et la croissance), B (auxiliaire des systèmes nerveux et digestif), E (antioxydante) et K (qui fait coaguler le sang et fixe le calcium dans les os).
Ses feuilles contiennent également du potassium et du sodium, qui régulent l'hydratation, du manganèse et du phosphore, qui densifient la masse osseuse, du cuivre, qui aide à absorber le fer et à lutter contre le stress, de la chlorophylle et du fluor, pour la prévention des caries.
Avec 20 % de fibres, le thé vert stimule aussi le transit intestinal.
Additionné de menthe, il facilite la digestion et aide à lutter contre le mal de tête.
De plus, il contribue à combattre le mauvais cholestérol et à éliminer l'alcool et les substances nocives, graisses, nicotine... Selon un test de Que choisir (publié en mai 2001), sur 60 thés, 16 sont exempts de pesticides et ont des taux très faibles de métaux lourds. Plus de 30 sont hors normes pour taux de DDT ou de fenvalérate (pesticide de la famille des pyréthrinoïdes). Les produits contaminés viennent surtout de Chine, Vietnam et Taiwan.
Chronologie historique
Une légende chinoise nous apprend que l'usage du thé est initié par l'empereur Chen-Nong vers 2750 avant J.-C. En Chine, le thé est connu pour ses vertus médicinales depuis le IIIe millénaire av. J.-C. Sa consommation sous forme d’infusion s’est largement répandue entre le Ve et le IVe siècle av. J.-C. La première référence historique au thé se trouve dans Confucius, 5 siècles avant notre ère. C'est aux prêtres bouddhistes qu'on attribue le fantastique essor de la culture du thé et de son emploi destiné, en Extrême-Orient, à combattre l'intempérance. Quant à la première référence pratique sur le thé considéré comme boisson, on la rencontre dans un ouvrage encyclopédique chinois de l'an 350 de notre ère. Vers 700, il envahit le Japon où sa préparation fait l’objet d’un rituel codifié depuis le XVIIe siècle : la cérémonie du thé. L'admirable cérémonie du thé japonais ne relève pas seulement d'une esthétique. La pureté du décor, des instruments et des gestes, peut, certes, la faire apparaître comme une sorte de culte inégalé de la beauté. Mais la première cérémonie du thé, disent les taoïstes, est l'offrande de la coupe par Yin-hi à Lao-Tseu, qui allait lui remettre le Tao-te King. Le théier, disent les adeptes du Zen, est né des paupières du sage Bodhidharma (VIe s.), qu'il a coupées et jetées au loin pour s'interdire la somnolence pendant la méditation. C'est pourquoi le thé est utilisé dans le même dessein par les moines : les tenir éveillés. La cérémonie du thé est un rite communiel instauré afin d'atténuer la rudesse des mœurs, de discipliner les passions, de surmonter les antagonismes guerriers et d'établir la paix. A la fin du XIIe siècle, le fondateur du premier empire mongol, Gengis Khan, en abreuve ses guerriers pour leur donner force et courage, grâce à quoi ils déferlent, avec le thé, jusqu'aux portes de l'Asie Mineure. En 1391, Hongwu, le premier empereur de la dynastie Ming décrète que les tributs en thé livrés à la Cour devront l'être non plus sous forme de briques, mais de feuilles entières. Ce décret impérial modifie rapidement les habitudes de consommation du thé : désormais, les feuilles de thé sont directement infusées dans l'eau chaude. 3 La vente du thé, introduit en Europe par les Hollandais, fait ses débuts à Venise, en 1559 (mais le Vénitien Marco Polo, vraisemblablement, a été le premier Européen à en boire, sur place, à la fin du XIIIe siècle). Le thé fait le tour des capitales : Lisbonne (1600), Amsterdam (1610), Moscou (1618), Paris (1648), Londres (après Paris !) et New York (1650). Dans son fameux journal, le bourgeois londonien Samuel Pepys précise en 1660 : « Je fis chercher une tasse de thé (c'est une boisson chinoise) que je buvais pour la première fois. » Depuis, la soif de thé ressentie par les Anglais est devenue inextinguible, quoi qu'il arrive.
Jusqu'en 1770 le thé qui arrive aux Etats-Unis coûte une fortune car il passe par l'Angleterre. Du coup, la contrebande marche très bien.
En 1773, la Compagnie des Indes peut approvisionner directement les USA. Plus personne n’est content, ni les transporteurs, ni les contrebandiers, ni les Américains car l'Angleterre se propose de prendre une taxe au passage.
Le 16 décembre, à Boston, parce que le Tea Act relève considérablement les droits sur le thé, le thé de la première livraison est jeté à la mer.
Les Anglais réagissant mal et chacun restant sur ses positions, la Tea Party de Boston (qui s’ajoute au massacre de Boston du 5 mars 1770) est l’amorce du processus d'indépendance américain. La soif de thé détermine des recherches techniques dans le domaine de la marine à voile et la création des grands clippers, ces lévriers des mers qui apportent à Londres les millions de livres de thé que réclame le gosier des Britanniques : ce sera l'annuelle Course du thé. A la fin du XVIIIe siècle, l'usage du thé est général en Europe. Le 10 janvier 1839, il y a foule à l'East India House sur Leadenhall Street, à Londres. Des centaines de grossistes en thé et de curieux s'entassent dans la salle où, dans quelques minutes, la première cargaison de thé en provenance d'Inde sera mise aux enchères. Le 22 juin 2007, des scientifiques indiens déposent un brevet pour du thé en pilule. En 2016, les principaux pays producteurs de thé sont (en tonnes) : la Chine (2 401 784), l’Inde (1 252 174), le Kenya (473 000), le Sri Lanka (349 308), la Turquie (243 000), le Vietnam (240 000) et l’Indonésie (144 015). 1
Citations et proverbes
J’ai vu la princesse (…) qui prend tous les jours douze tasses de thé (…) Cela, dit-elle, la guérit de tous ses maux. (Mme de Sévigné 1626-1696) Par le thé, l'Orient pénètre dans les salons bourgeois ; par le café, il pénètre dans les cerveaux. (Paul Morand 1888-1976) Je sais maintenant pourquoi les Anglais préfèrent le thé : je viens de goûter leur café. (Pierre-Jean Vaillard 1918-1988) Dans le liquide ambré qui emplit la tasse de porcelaine ivoirine, l'initié peut goûter l'exquise réserve de Confucius, le piquant de Laotsé, et l'arôme éthéré de Cakyamouni lui-même. (Okakura Kakuzo, Le Livre du Thé, 1976) Thé et café donnent de l'esprit à ceux qui en ont et des insomnies à ceux qui n'en ont pas. (Agnès Verlet) La femme noble ne boit pas le thé de deux familles. (Proverbe chinois) Le thé à la menthe doit être amer comme la vie, mousseux comme l'amour et sucré comme la mort. (Proverbe marocain)
Notes
1 http://www.fao.org/faostat/fr/#home
2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Pu-erh
3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_th%C3%A9
texte de : (les-voies-libres.com)
Sources
Encyclopédie des découvertes. Création édition et recherche. 1987
Pour tout savoir. Ed. France Loisirs. 1989
Depuis quand ? Germa (Pierre). Ed. Solar. 1992
Auteur : Jean-Paul Coudeyrette